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Les œuvres d’art

 

Notre-Dame de la Paix est riche d’un nombre important d’œuvres d’art. Habitués qu’ils sont à les voir chaque dimanche, les paroissiens n’en ont pas toujours conscience, et bien peu nombreux sans doute sont, hors de la ville, ceux qui en connaissent seulement l’existence. Pourquoi et comment a-t-on réuni un tel aréopage d’artistes ?

Il est probable que cette réunion s’est faite à l’instar de celle qui a eu lieu quand il s’est agi de décorer l’église d’Assy (voir le chapitre sur l’évolution de l’art sacré au XXe siècle) : autour de ce projet le père Couturier avait su fédérer des noms aussi importants que Matisse, Lurçat, Chagall, Léger, Braque, Rouault, Bazaine…, pour faire d’Assy tout à la fois un somptueux écrin dédié à l’art sacré contemporain, mais aussi sans doute une éclatante démonstration de la justesse de ses conceptions.

Alors il n’y a plus de hasard : car l’architecte d’Assy s’appelait Maurice Novarina, et il était très lié au père Couturier. Quand donc il s’est agi d’édifier Notre-Dame de la Paix, l’idée est vite venue de rééditer l’exploit d’Assy. Son ami Jean Bazaine n’a sans doute pas été le plus difficile à convaincre, restait à réunir d’autres artistes.

Les participants à cette aventure n’ont pas connu la notoriété des décorateurs d’Assy. Ce n’en sont pas moins des artistes connus, et les œuvres qu’ils ont données à Notre-Dame de la Paix méritent tout autre chose que le semi-oubli dans lequel elles reposent.

Les artistes :

Il convient tout d’abord de présenter chacun des participants. Nous le ferons très brièvement car pour presque tous il est facile de trouver sur Internet une abondante documentation, à laquelle il suffit de renvoyer. Les voici donc, par ordre alphabétique.


Jean Bazaine
(Source privéee)

Jean Bazaine (1904-2001) est le plus célèbre du groupe. Peintre, mosaïste, auteur de vitraux dont les plus connus sont ceux de Saint-Séverin à Paris, il a donné à Notre-Dame de la Paix la grande verrière nord. On trouvera une notice assez complète à http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Bazaine

 

 

François Brochet (1925-2001) est un sculpteur, notamment sur bois, qui est l’auteur du Christ monumental de Notre-Dame de la Paix Un site lui est consacré à http://www.ete-a-vezelay.com/


François Brochet
(Source: Notre-Dame de la Paix, plaquette)

Brigitte Loire
(Source: Notre-Dame de la Paix, plaquette)

Louis Chavignier (1922-1972) est probablement le plus délaissé par le web. C’est un  auvergnat qui, après une riche carrière de sculpteur, s’est consacre à partir de 1969 à l’enseignement, à la Sorbonne, puis à l’École des Beaux-Arts. On lui doit, en région parisienne, le mur-miroir de Massy, l’autel de la chapelle saint Gabriel à Maisons-Alfort, deux sculptures dans des établissements scolaires à Vitry-sur Seine et, plus près de Villeparisis, la « Porte de l’ouest », au Blanc-Mesnil. Il a donné à Villeparisis le bénitier, l’autel et les fonts baptismaux. 

 

Brigitte Loire est née en 1935 à Chartres ; religieuse dominicaine, elle pratique les arts plastiques, sculpture et vitrail, avant de se voir confier une mission d’enseignement à la maison des Beaux-Arts de Mexico. On peut voir un exemple de ses vitraux à l’église de Courtry (Seine-et-Marne) ; pour Notre-Dame de la Paix elle a créé la Vierge aux Lys et l’évangile de pierre.



Louis Chavignier
(Source: Notre-Dame de la Paix, plaquette)
Jacques Loire, frère de Brigitte Loire, est né à Chartres en 1932, et c’est presque tout naturellement qu’il s’est fait une spécialité du vitrail. On trouvera une bonne notice à http://www.centre-vitrail.org/fr/page.php?id_rubrique=44&id_espace=3&id_article=225
Jacques Loire
(Source: Notre-Dame de la Paix, plaquette
)


Pierre Sabatier
(Source: Notre-Dame de la Paix, plaquette)

Pierre Sabatier (1935-2003) est né à Moulins. C’est un artiste plasticien dont l’œuvre est remarquablement présentée à http://www.pierresabatier.com/. Il a réalisé un nombre important de sculptures monumentales, dont certaines sont spectaculaires, comme les portes du Palais de Justice de Créteil (Val-de-Marne) ou plusieurs grandes sculptures dans des immeubles de la Défense ; la plus poignante est sans doute la porte du crématorium de Villetaneuse (Seine-saint-Denis) ; par ailleurs il s’est intéressé, comme à Notre-Dame de la Paix, à la question du mobilier liturgique, notamment à l’église saint Paul d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

Les vitraux :

Il n'y a pas moins de quatre-vingts vitraux à Notre-Dame de la Paix : les neuf ouvertures du porche, les six de la chapelle de la Vierge, un pour éclairer l’escalier qui monte à la tribune, la grande verrière, et l’ensemble des vitraux du mur sud. C’est cet ensemble que nous allons regarder.

Il y a soixante-trois embrasures, qui sont fermées par des vitraux dans les tons de jaune à rouge, dont, à partir du narthex, la tonalité se renforce progressivement à mesure qu’on approche du chœur, commençant par un délicat pastel pour s’achever dans une flamboyance plus soutenue. On s’aperçoit alors que l’église est envahie d’une lumière dorée, irréelle, qui joue avec les tons crème de la pierre, avec le mobilier de bois rouge et de cuivre. Plus intense, cette lumière n’ajouterait que des contrastes ; au contraire c’est par sa douceur qu’elle agit sur l’esprit : lumière non de gloire mais de paix, toute entre les jaunes et les orangés, comme un feu à la fois manifeste et discret, à laquelle vient s’opposer le bleu complémentaire de la grande verrière.

Ces soixante-trois vitraux assemblés au ciment constituent un ensemble unique qui est dû à Jacques Loire.


Les vitraux du mur sud, moitié ouest
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Les vitraux du mur sud (détail)
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Il n’est pas difficile de voir qu’à Notre-Dame de la Paix cet artiste, né à l’ombre de la cathédrale de Chartres a mis en application les principes auxquels il tient[1] :

 Jouer avec la transparence est ce qui m’intéresse, le vitrail n’étant plus conçu seulement comme clôture.

Des lieux de vie, sacrés ou profanes, appellent la discrétion, par des vitraux qui puissent être oubliés pour être redécouverts, ou qui « à la limite » ne se remarqueraient pas. Une coloration trop vive s’avère rapidement « invivable ». Éviter l’aveuglement et la lassitude de l’observateur sert l’atmosphère de paix et de sérénité recherchée.

Quand on se trouve à l’entrée de la nef, on ne voit pratiquement rien de ces vitraux, qui sont profondément enchâssés dans les embrasures ; ce qui se remarque le plus c’est le jeu de la lumière sur les faces ouest des ouvertures. Pour avoir une vue de toute l’œuvre, il faut penser à se placer au milieu du mur nord, à peu près à la hauteur de la porte. C’est alors qu’on peut se laisser obséder en quelque sorte par le rythme de ces trois niveaux de fenêtres, d’abord une sorte de soubassement d’ouvertures carrées, puis une seconde ligne de rectangles que vient surplomber, dès que la hauteur de voûte le permet, un quinconce de grandes meurtrières. C’est de là aussi qu’on peut suivre la saisissante progression des couleurs, presque aussi pâle près du narthex que les ouvertures du tympan, devenant imperceptiblement de plus en plus soutenues jusqu’à, passé la première moitié de la montée chromatique, l’irruption du rouge, un carreau d’abord, puis deux, jusqu’à la flamboyance finale.

 


Les vitraux du mur soud, moitié est
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

La grande verrière :


Jean Bazaine: église Saint-Séverin (Paris)
(source: Wikimédia commons)

Faisant pendant, si on peut dire, au Christ, nous trouvons à droite la grande verrière de l’Arbre de Vie. Même si son nom n’est pas le plus connu du public Jean Bazaine, est  assurément l’un des artistes majeurs du XXe siècle. Une grande partie de son œuvre est placée sous l’influence des forces de la nature et des quatre éléments. Sous ce rapport il est intéressant de retourner voir à Paris les vitraux de l’église saint Séverin. C’est sans doute là que se trouve une des clés de la verrière que nous contemplons.


La grande verrière le matin
(Photo: Robert Vasseur)

Car il semble qu’à l’origine l’artiste ait voulu représenter l’arc-en-ciel après le Déluge, et qu’arrivant dans l’église il ait changé d’avis en voyant s’inscrire, dans l’ouverture qui devait accueillir la verrière, un arbre du voisinage. Il a donc décidé de représenter l’Arbre de Vie.  

L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.[2]

Et c’est à juste titre que cet Arbre de Vie s’en vient faire pendant au Christ du mur opposé : le thème du Christ nouvel Adam, et de la Croix nouvel arbre de vie sont des grands classiques de la spiritualité chrétienne. Les tons de bleu dans lesquels le sujet est traité, qu’il s’agisse du bleu de l’eau ou de celui du ciel après les nuées, n’en viennent pas moins rappeler que, peut-être, le thème du Déluge n’est pas très loin, d’autant que les taches de jaune évoquent irrésistiblement le soleil d’une éclaircie ; mais après tout le Déluge et le baptême ont là aussi des choses à se dire.

Toujours est-il qu’on aurait du mal à trouver un arbre dans cette verrière. Il faut se poser devant, et regarder longuement pour cesser d’analyser ces taches de couleur. Mais Bazaine a beaucoup travaillé sur le thème de l’arbre :

Le jour lointain, où essayant de dessiner un arbre, je me suis aperçu que l'espace entre les branches n'était derrière que parce que nous le savions et pouvait aussi bien être devant, ou flotter dans l'espace, le monde a changé de forme, c'est devenu un monde en respiration, plus riche et plus insaisissable[3]

Dès lors tout s’explique : les dalles de verre ne sont pas là pour représenter l’arbre mais l’espace entre les branches, derrière, devant, autour. Ce qui peut, vaguement, représenter l’arbre, ce sont les joints de ciment[4].


La grande verrière le soir
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Grisaille de la basilique Saint Germer (Oise)
(Source: Wikimédia commons)

Après tout une telle option ne va pas de soi : dans un vitrail les joints sont un inconvénient, une limite technique ; il n’était pas si simple de songer à les utiliser pour eux-mêmes, même si, après tout, les grisailles médiévales exploraient déjà cette voie. Soulages fera la même chose à Sainte Foy de Conques (Aveyron). On ne saurait mieux exprimer que ce n’est pas l’arbre qui compte, et que ce dont il est question c’est de représenter, non l’arbre mais les forces qu’il implique, et qui l’impliquent.

Ajoutons pour finir que cette verrière n’est nullement faite pour éclairer : totalement au nord, elle est traitée en tons bien trop sombres pour apporter quelque lumière que ce soit ; c’est une verrière qui est faite pour être vue, et il n’y a guère que dans les soirs d’été que le soleil couchant peut l’éclairer un peu et révéler des touches de rouge qui sans cette lumière passent totalement ignorées.

L’autel :


L'autel (Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Créé par Louis Chavignier, l’autel de Notre-Dame de la Paix est un monolithe de 8 tonnes en pierre de Fontenille (Côte d’Or), dont les quatre faces latérales sont taillées en trapèze. Toutes les faces sont lisses, à l’exception de la face est, la seule qui soit réellement visible par l’assemblée.

C’est cette face qui porte la sculpture réalisée par Chavignier. Elle met en scène est « la multiplication des pains et des poissons ». Ce thème n’est pas le plus souvent traité dans l’iconographie religieuse. Il rappelle le récit dit de « la première multiplication des pains », dont nous reprenons ici le récit :

Comme l'heure était déjà avancée, ses disciples s'approchèrent de lui, et dirent: Ce lieu est désert, et l'heure est déjà avancée; renvoie-les, afin qu'ils aillent dans les campagnes et dans les villages des environs, pour s'acheter de quoi manger.

Jésus leur répondit: Donnez-leur vous-mêmes à manger. Mais ils lui dirent: Irions-nous acheter des pains pour deux cents deniers, et leur donnerions-nous à manger?

Et il leur dit: Combien avez-vous de pains? Allez voir. Ils s'en assurèrent, et répondirent: Cinq, et deux poissons.

Alors il leur commanda de les faire tous asseoir par groupes sur l'herbe verte, et ils s'assirent par rangées de cent et de cinquante.

Il prit les cinq pains et les deux poissons et, levant les yeux vers le ciel, il rendit grâces. Puis, il rompit les pains, et les donna aux disciples, afin qu'ils les distribuassent à la foule. Il partagea aussi les deux poissons entre tous.

Tous mangèrent et furent rassasiés, et l'on emporta douze paniers pleins de morceaux de pain et de ce qui restait des poissons.

 Ceux qui avaient mangé les pains étaient cinq mille hommes.[5]

Et on voit effectivement, gravées dans la pierre en bas-relief, une série d’alvéoles en forme d’écaille ou de mandorle, renfermant des formes arrondies évoquant des pains : à gauche ils sont entiers, à droite ils sont entamés. L’ensemble de la figure dessine la silhouette d’un poisson, dont la tête serait à droite.

Mais il ne s’agit probablement pas d’un des poissons de la multiplication des pains ; on sait en effet que le symbole du poisson est plus complexe, et que dans le christianisme primitif le poisson était un symbole christique ; les raisons de ce symbole sont certainement loin d’être toutes connues, et ne se résument pas à l’acronyme « ichtus », dans lequel les chrétiens des premiers temps ont lu Iesous CHristos Théou Uios Sôter : Jésus, le Christ, Fils de Dieu, Sauveur. Le poisson de l’autel est donc bien plus le Christ, et s’il est fait de pains c’est tout de même bien parce que Jésus est

le pain de vie[6]

 

La face supérieure d’un autel est creusée d’une cavité qui est censée contenir des reliques d’un saint. Ce sont ces reliques que le célébrant baise avant de commencer la messe.

Le culte des saints n'est pas la partie la plus simple (ni théologiquement la plus claire) du catholicisme. Quant à la question des reliques, pour ne rien dire de l'authenticité de celles-ci, elle pose des problèmes encore plus délicats. Mais les hommes qui ont voulu Notre-Dame de la Paix ont tellement eu le souci de bâtir une église qui respecte totalement toutes les règles du genre (le mystérieux manuscrit scellé dans la première pierre en est un témoin éloquent, et il n'est pas besoin de le voir pour parier qu'il est en authentique parchemin) qu'ils n'ont pas voulu déroger au vieux principe des reliques. Reste à savoir de quel saint elles proviennent.


La pierre d'autel
(Phtot: Michel Gislais)

 

Les chandeliers :


Les six chandeliers dans leur position d'origine
A droite: détail d'un chandelier
(Photos: Michel Cavey-Lemoine)
Au départ l’autel était orné de six chandeliers, longs cônes de cuivre repoussé réalisés par Pierre Sabatier. Mais si ces chandeliers étaient parfaitement utilisables lorsque la messe se disait face au tabernacle, leur emploi est nettement plus difficile depuis la réforme liturgique : on voit mal le prêtre officier derrière une si étrange barricade. Les chandeliers sont donc remisés dans la sacristie, on ne les utilise plus guère que pour les processions.

Le tabernacle :


Le tabernacle
(Photo: François Gagnepain)

Le tabernacle est le coffre dans lequel on enferme les hosties. Celui de Notre-Dame de la Paix est en cuivre martelé. Il est enchâssé dans le mur, au plus creux du cul-de-four, entre deux  tablettes de pierre : l’inférieure sur laquelle il repose et qui est séparée du sol par une grille de fer, et la supérieure qui lui constitue une sorte d’auvent ; sur cette tablette supérieure une plante verte évoque la vie tout en répétant le thème rupestre que nous avons senti chemin faisant. La porte du tabernacle est décorée d’un pélican, animal dont la légende dit qu’il se sacrifie pour nourrir ses enfants.

On n’en distingue guère que les deux grandes ailes et le bec, qui pourrait être aussi bien celui d’une cigogne… et pourtant c’est sans grande hésitation que le pélican s’impose au spectateur.

 


Le tabernacle le matin
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Toujours est-il qu’il faut prendre le peine d’entrer dans l’église un matin de printemps vers neuf heures, quand la clarté ne pénètre encore que par les embrasures de la tribune ; on aura alors la surprise de voir la figure du pélican se détacher, seule, sur le fond obscur de l’abside, comme s’il accaparait tout le peu de lumière disponible.

Le tabernacle présente la particularité d’être ouvert des deux côtés : vers l’église, comme nous le voyons, mais aussi de l’autre côté, vers la chapelle de semaine, dont le mur oriental est plaqué au sommet du cul-de-four.

L'ambon:

À droite de l’autel, on jettera un coup d’œil à l’ambon.

Pendant les cérémonies reilgieuses la plupart des textes sont lus debout, que ce soit par un clerc ou par un laïc. Il existe donc des meubles sur lesquels on pose le texte qui devra être lu, et le terme générique par lequel on désigne ces meubles est "lutrin".

Un ambon est un lutrin particulier sur lequel on pose le lectionnaire, c'est-à-dire le livre qui contient les extraits de la Bible qui seront lus à la messe. A l'origine même le terme désignait non seulement le meuble mais l'ensemble de l'espace (qui était parfois une petite tribune) réservé" aux lectures.

L'ambon de Notre-Dame de la Paix est constitué d’une simple plaque de cuivre mise en forme d’un seul tenant; le plus souvent elle se trouve dissimulée sous les ornements liturgiques, et il vaut la peine de l'admirer telle quelle (même si le piètement sur lequel elle repose ne lui fait guère honneur).


L'ambon
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Notre-Dame de la Paix: crucifix
(Photo: François Gagnepain)

A côté de l'ambon, on trouve une croix processionnnelle, qui ne fait pas partie du corpus original des oeuvres créées pour Notre-Dame de la Paix; il vaut la peine cependant d'y jeter un coup d'oeil.

Il s'agit d'une oeuvre de quatre sous, un Christ en croix qui a été simplement soudé par un paroissien sur deux tubes d'acier à section carrée; pourtant il est de bien belle facture, rappelant notamment, sous ses airs d'oeuvre moderne, de nombreux Christs ruraux ou populaires.


Eglise d'Osséja (Pyrénées -Orientales): crucifix
(Photo: Martine Cavey-Lemoine)

Le coffre aux Saintes Huiles:

 Tout comme les chandeliers et l’ambon, le tabernacle est l’œuvre de Pierre Sabatier. Il a donné aussi un coffre aux Saintes Huiles[7], dont on se sert peu et qui était remisé à la sacristie alors qu’il avait sa place dans le baptistère. A l'occasion du cinquantenaire de l'église, le coffre a été remis à son emplacement originel.

On distingue sur la façade du coffre une étrange figure qui de prime abord évoque un cadran solaire, puis une fiole d'huile; en fait elle représente, la tête en bas et les ailes en demi-cercle, la colombe de l'Esprit-Saint piquant droit sur la Terre, entourée des flammes de la Pentecôte (et non des balles des chasseurs, comme l'insinuent certains mauvais esprits).

Le métal semble agir comme un paysage soumis aux variations climatiques, un être vivant éprouvant des sensations multiples… Ses créations font souvent penser à des mouvements telluriques, des ondes, des failles…[8]


Le coffre aux Saintes Huiles
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Le Christ :


Le Christ
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

À gauche de l’autel, à mi-hauteur du mur, se dresse la grande figure du Christ en gloire, réalisée par François Brochet ; cet artiste, qui a été fortement inspiré par Le Corbusier qu’il  rencontrait souvent à Vézelay, appartenait à la même mouvance que Novarina, Sabatier, mais aussi Bazaine, dont nous reparlerons plus loin. Notre-Dame de la Paix n’est pas une œuvre hétéroclite, elle présente une profonde unité, elle est le témoin d’un courant artistique majeur de notre temps.

Regardons ce Christ.

La première chose qui frappe, ce sont évidemment ses dimensions : plus de deux mètres de haut, autant d’envergure, ce Christ est presque disproportionné au reste de l’édifice ; réminiscence peut-être du Christ de Vézelay, que l’artiste a voulu tellement grand qu’il fait exploser la voussure supérieur d’un tympan trop petit pour, même en ployant les jambes, le recevoir ; le Christ de Vézelay est visuellement ce qu’il doit être : le monde ne peut le contenir. Mais il y a plus : la statue de Brochet est en avant du mur, tenue par une simple tige de métal. Elle donne l’impression de plonger, de s’envoler, de planer, comme suspendue dans une pose proprement aérienne qui lui confère une incomparable impression de légèreté.


Basilique de Vézelay (Yonne): Le Christ
(Source: Wikimédia commons)


Notre-Dame de la Paix: le Christ
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Mais surtout on ne remarque ni couronne d’épines ni croix ; le visage est grave mais serein, c’est un Christ qui ne souffre pas. D’ailleurs la position des bras n’est pas du tout celle des Christs en croix dont nous avons l’habitude, et dans lesquels l’artiste a tenu à sacrifier au réalisme en montrant l’action de la pesanteur sur le corps du supplicié ; rien de tel ici où, comme une fois de plus à Vézelay, le Christ a les épaules plus hautes que les mains[9] ; on a plutôt l’impression d’un saut de l’ange en train de s’accomplir : le Christ de Notre-Dame de la Paix est en vol.

Sans doute faut-il se souvenir que les représentations du Christ n’ont pas toujours été celles que l’iconographie du XIXe siècle nous a laissées. Dans les premiers temps de l’Église, ce n’était pas du tout un Christ souffrant qui était représenté mais un Christ roi, paré de vêtements princiers et d’une couronne en vrai or. Ici le Christ qui nous est proposé n’est pas vêtu comme un roi, il n’a pas de couronne, mais son visage évoque tous les caractères de l’imperium : c’est celui d’un homme dans la force de l’âge, le cheveu court, la barbe et la moustache soigneusement taillées, un regard qui n’admet pas la réplique, c’est celui d’un chef, c’est une tête qu’on ne s’étonnerait pas de trouver dans la statuaire romaine.

Quiconque regarde le pagne trouve aisément une troisième référence à Vézelay, dans drapé du tissu, mais aussi dans la manière dont le linge vient se plaquer contre la cuisse gauche. C’est donc là une invite de plus à chercher du côté de cette extraordinaire image, dernier acte du génie roman, l’explication de ce que nous voyons.

Il s’agit d’un supplicié. En témoignent, avec à la fois discrétion et insistance, les quatre plaies des mains et des pieds, simples étoiles de sang, et aussi l’entaille du coup de lance dans le flanc[10]. Mais c’est un supplicié qui de toute évidence a traversé son calvaire, qui est passé ailleurs, qui n’est plus victime mais acteur ; il s’agit là du serviteur souffrant d’Isaïe :

J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient,
Et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe;
Je n'ai pas dérobé mon visage
Aux ignominies et aux crachats.
Mais le Seigneur, l'Éternel, m'a secouru;
C'est pourquoi je n'ai point été déshonoré,
C'est pourquoi j'ai rendu mon visage semblable à un caillou,
Sachant que je ne serais point confondu.[11]

Mais il y a plus, sans doute : le Christ qui étend les bras est aussi celui qui comme à Vézelay répand son Esprit sur les disciples, celui qui embrasse la totalité du monde, celui qui oppose à la mort un obstacle définitif ; c’est aussi celui qui appelle, qui attend, qui a dit :

Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi.[12]

Les fonts baptismaux :

Comme le bénitier, les fonts baptismaux sont l’œuvre de Louis Chavignier ; et il s’agit comme pour le bénitier d’un monolithe en pierre de Lorraine ; entre ces deux objets si intimement liés à l’eau, la parenté n’et évidemment pas dépourvue de sens. Le sculpteur a façonné un ovoïde tronqué sur le dessus, pour obtenir une surface plane dans laquelle il a creusé deux cavités : l’une, petite, dans laquelle on verse l’eau bénite ; l’autre, plus grande, sur laquelle le baptisand incline la tête, à moins qu’on n’y tienne le bébé. Le prêtre se place contre le mur du narthex, de la main droite il prend l’eau bénite qu’il répand sur le futur chrétien.


La vasque des fonts baptismaux
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)


Les fonts baptismaux
(Photo: Michel Cavey-Lemoine)

Peut-être y a-t-il là une réminiscence de ces « sanctuaires à répit », comme il en existait quelques-uns en Auvergne, et dans lesquels le corps de l’enfant mort-né était posé sur une pierre[13].



[1]Ce qui suit vient de http://www.centre-vitrail.org/fr/page.php?id_rubrique=44&id_espace=3&id_article=225

[2] Genèse II, 9.

[3] Catalogue Bazaine. Dessins 1951-1988, musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis, 1988. Entretien de l'artiste avec Jean-Pierre Greff.

[4] Ce qui après tout ne va pas de soi : dans un vitrail les joints sont un inconvénient, une limite technique ; il n’était pas si simple de songer à les utiliser pour eux-mêmes. Soulages fera la même chose à Sainte Foy de Conques (Aveyron).

[5] Évangile de saint Marc, VI, 35-44.

[6] Évangile de saint Jean, VI, 48.

[7] Il s’agit de trois huiles qui sont consacrées le Jeudi Saint et qui sont utilisées lors de certains sacrements.

[8] Recherche et Architecture, 1983, n°56.

[9] Ce n’est certes pas le seul exemple : il suffit d’aller voir le tympan central de la basilique de Saint-Denis. On y retrouvera aussi le même drapé de tissu, cf. infra. Mais, précisément, personne n’ignore les liens entre Saint Denis et Vézelay. On sait que Suger, abbé de saint Denis, entretenait d’étroites relations avec Pierre le Vénérable, son confrère de Cluny dont Vézelay dépendait. Il n’est pas question de visiter Vézelay en ignorant que les deux hommes partageaient largement la même obsession du feu et de la lumière ; cette proximité fait vibrer de manière étonnante le fait que de Vézelay à saint Denis ce sont pratiquement la dernière église romane et la première église gothique qui se tendent la main ; d’ailleurs quand il faudra reconstruire le chœur de Vézelay en 1185 on se contentera de recopier saint Denis.

[10] Notons qu’il s’agit ici du flanc gauche, alors que pendant longtemps les artistes représenteront le coup de lance du côté droit.

[11] Livre d’Isaïe, L, 6-7.

[12] Évangile de saint Jean XII, 32.

[13] Cf. Jacques Gélis, Les enfants des limbes. Mort-nés et parents dans l’Europe chrétienne, Audebert éd.

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